Portrait d’Olivier Pinel – Fondateur de Salvateur
Olivier Pinel s’est lancé un pari fou : créer des meubles sur mesure avec des essences de bois de la région. Ses pièces uniques sont destinées à des clients désireux de se tourner vers du mobilier à la fois design et écoresponsable. Sa spécialité : le « Live Edge« , qui offre des plateaux de bois aux courbes rustiques et intemporels pour du mobilier réalisé à la demande.
Interview !
Où as-tu passé ton enfance ?
« Faire le bois, c’était l’occupation principale pendant les weekends d’hiver. »
J’ai partagé mon enfance entre la petite ville de Castres où habitaient mes parents et la ferme familiale de Damiatte, un village dans la campagne tarnaise. J’ai toujours été proche de la nature, je me suis très tôt intéressé à l’élevage des moutons que nous avons pour entretenir les quelques hectares de forêt familiale. « Faire le bois », c’était l’occupation principale pendant les weekends d’hiver. Au-delà de mon attrait pour la conduite du tracteur (toujours d’actualité), les coupes de bois hivernales me permettaient de passer des moments privilégiés avec mon papa. C’était aussi l’occasion de contempler la forêt assis sur une souche ou sur un tronc d’arbre. A l’évidence, ce goût de la contemplation ne permettait une productivité maximale (ce qui me valait quelques gentilles réprimandes).
Pour autant, j’ai eu conscience très vite que les arbres imposants, les belles courbes, les branches majestueuses étaient issus du travail et de la conscience « écologique » de mes aïeux. On m’a expliqué que s’il y a plus d’un siècle mes ancêtres avez laissé pousser ces arbres, c’était pour stabiliser le sol, que tel alignement d’arbres plus grands, plus imposants, qui avaient presque 300 ans, étaient là pour border un chemin dont ils étaient le dernier témoignage. J’ai appris à compter les cernes pour connaitre l’âge des bois et j’ai compris que si l’on coupait un arbre c’était soit pour en laisser pousser un autre soit parce qu’il était malade et que c’était la seule solution. Finalement » faire du bois « , c’est comprendre l’importance du travail et de la vie de ceux qui nous ont précédés. Couper du bois, c’est être responsable et préserver le potentiel écologique et économique de nos forêts pour les générations futures.
Quelle est ta vision de l’artisanat d’art aujourd’hui et comment souhaites-tu y participer ?
Pour moi l’artisanat d’art, c’est la fusion entre une matière première, un savoir-faire et une sensibilité. Je ne sais pas si je dois me considérer comme artisan d’art ! Pour autant, Salvateur c’est avant tout une matière première d’exception et un savoir-faire qui nécessite de prendre le temps. Parce que même après avoir mis parfois plusieurs siècles à pousser puis avoir été coupé et scié, le bois reste une matière première vivante qu’il faut laisser ressuyer puis sécher le plus lentement possible pour respecter sa structure et garantir la stabilité des ouvrages futurs. Finalement, prendre notre part dans ce que l’on appelle l’artisanat d’art, c’est sûrement faire preuve de beaucoup de patience, d’un peu de sensibilité et d’humilité en essayant d’avoir une intervention sur le bois qui se limite simplement à mettre en valeur ce qu’a créé la nature.
Pour toi, qu’est ce qu’un » bel objet » ?
» Je crois qu’un bel objet c’est avant tout un objet avec lequel on se sent bien. «
Un bel objet ? C’est avant tout un objet qui était ou aurait été beau hier et qui sera beau demain. Autrement dit, c’est un objet qui échappe aux phénomènes de mode, c’est la matière qui doit être omniprésente, le bois, la terre, la pierre, le fer… C’est l’harmonie entre une fonction et une esthétique. Il y a une part de subjectivité dans cette question, je crois qu’un bel objet, c’est avant tout un objet avec lequel on se sent bien.
Quel lien souhaites-tu créer entre l’objet et la vie quotidienne de tes clients ?
Ça va peut-être un peu loin, mais je crois que les meubles et les agencements en bois massif « free form » ou avec des lignes épurées créent une présence qui est avant tout liée à la matière. Je suis comblé quand mes clients me disent que leurs enfants comptent les cernes sur les plateaux de table pour connaître la vie de l’arbre et que l’histoire de l’arbre se confond avec l’histoire familiale ou l’Histoire tout court. Un de mes clients m’a commandé deux tables de conférence pour des salles de visioconférence de deux établissements éloignés de 800 km. J’ai trouvé l’idée intéressante et aujourd’hui, il me dit que les visioconférences prennent une autre dimension. De manière générale, les objets en bois brut et hors normes font appel aux cinq sens. D’abord la vue et le toucher mais aussi l’odorat, particulièrement pour le cèdre qui possède une odeur caractéristique. Enfin, l’ouïe et le goût car c’est avant tout autour d’une belle table que l’on passe de bons moments et partage de délicieux repas. La table crée une ambiance particulière.
Comment imagines-tu Salvateur dans 5, 10 ans ?
» Nous voulons démocratiser les circuits courts dans le bois. «
Salvateur c’est avant tout un projet à taille Humaine ancré sur un territoire et en adéquation avec une ressource limitée que nous voulons préserver. Notre mission, c’est de valoriser des bois issus d’abattages nécessaires (arbres dangereux, malades etc.) ou de forêts gérées durablement. Nous souhaitons rendre accessibles les bois bruts et hors norme. Notre développement est avant tout orienté vers la qualité de finition de nos produits finis. Depuis trois ans notre entreprise est en constant développement et notre outil de travail nous permet de produire à l’unité ou en petites séries du mobilier ou des pièces d’agencement pour répondre aussi bien aux professionnels qu’aux particuliers dans le respect de notre ADN : chaque produit est singulier, fabriqué dans notre atelier avec du bois local. Nos approvisionnements sont réalisés avec un réseau de partenaires locaux (sylviculteur, élagueur grimpeur, scieur de long). Pour pouvoir proposer au plus grand nombre des bois d’exception, dans les prochaines années, nous voulons développer notre outil de sciage et de séchage. Nous voulons démocratiser comme pour l’alimentation, les circuits courts dans le bois, particulièrement dans les secteurs du mobilier et de l’agencement. Aujourd’hui nous développons notre activité dans la région lyonnaise avec l’ouverture d’un show-room. À plus long terme, nous souhaitons diffuser nos produit plus largement pour que SALVATEUR puisse être connu et reconnu comme étant une marque de qualité, durable et responsable.
Propos recueillis par Camille Estivals
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